Lorsque notre héroïne vu le jour, ses parents furent les plus heureux de la Terre des
Douzes.
Sa maman, la plus grande joueuse de tous les temps, portait une admiration sans limite à son petit trésor d’Osamodas; son père, aussi froid pouvait-il être, était ébahi devant ses grands yeux marrons, et regardait la merveille comme un don du ciel.
Fiza, c’est comme ça que tout le monde l’appelait.
Cette petite développa, dès son plus jeune âge, sa passion pour les animaux. Elle avait l’impression qu’eux seuls pouvaient la comprendre.
Elle prenait plaisir à s’occuper de ses bêtes, à veiller à ce que leur faim soit rassasiée, à les brosser des heures durant et à leur raconter des histoires. Ce monde qu’elle inventa au fil des années, elle en rêva des nuits et des nuits. Un monde sans affrontements, sans ragots. Un monde dans lequel elle pourrait s’épanouir et être reconnue à sa juste valeur. Les rares personnes à qui elle portait de l’intérêt ont tous fini par lui planter un couteau dans le dos, elle ne fit donc confiance à personne jusqu’au jour où…Elle décida subitement de partir de chez elle.
Par-là, je veux dire partir à l’aventure, pas juste aller en vacances ! L’idée que le monde puisse être différent ailleurs lui avait enfin traversé l’esprit.
Elle fit son sac, et partit vraiment sur un coup de tête, laissant toutes traces de sa vie d’avant derrière elle. Son choix se porta sur
Domen, mais ce voyage fut plus éprouvant qu’enrichissant. Il y avait des marchands qui l’accostaient plusieurs fois par jour, et les gens ne la prenaient que pour une simple éleveuse de bêtes sans donner d’importance à sa personne en elle-même.
Trop, c’était trop ! Cette vie-là ne lui convenait pas non plus, et très vite l’idée d’abandonner l’aventure lui vint. Peut-être que le monde était
partout le même, sans plus de vie ni d’entraide, sans communauté soudée…
Les Hommes étaient sûrement tous les mêmes partout ! C’est dans cette optique que la demoiselle s’apprêta à
boucler sa valise et à retourner dans sa monotonie natale. Puis, une sorte de grand magicien vint dans l’auberge où elle séjournait.
Croisant son regard noir et si intriguant,
Fiza s’arrêta.
L’homme grand au chapeau pointu et vêtu tout de noir lui rappela quelqu’un. Pas forcément quelqu’un qu’elle avait envie de revoir, mais ceci la troubla…
C’est timidement et très bas qu’elle lui adressa la parole.
« Excusez-moi monsieur… J’ai l’impression de vous connaître. Est-ce que je suis en train de délirer, ou votre présence ici n’est pas un hasard ? »
L’homme souleva son grand chapeau et un sourire léger vint éclairer son visage si sombre.
Yeux noirs, cheveux noirs, une barbe. Il en était presque séduisant, mais en premier il inspirait plus la peur que le désir.« Tu le sais. Tu as l’impression que ta vie est ratée, sans sens. Ta destinée est plus grande que celle de n’importe qui, Fiza. Tu ne sais pas que tu es née comme tu as vécu : en don du ciel. Tu as ton fort caractère depuis toujours, mais ne t’es-tu jamais demandé pourquoi avoir cette si forte personnalité si c’est pour rester inconnue toute ton existence ? Depuis toujours tu attends ce moment. Celui où tu pourrais être aimée pour ce que tu es, et non pas pour ce que tu fais. »
Sur ces paroles, l’homme disparu.
Fiza se mis à réfléchir à son avenir, et, l’illumination est apparue. Sur un grand tableau de liège, au rez-de-chaussée de l’auberge, elle vit ce petit bout de papier :
« Bonjour, habitants de Domen. Un drame est apparu dans mon pays, un drame qui décime la population de jours en jours. Une maladie ? Une malédiction ? Un mauvais sort ? Je n’en sais rien. J’ai réussi à m’échapper des griffes de ce mal avant que celui-ci ne m’atteigne ; d’autres n’ont pas eu cette chance. Mon peuple a besoin d’une aide extérieure. Chevaliers de toute la contrée, hommes courageux, mon peuple tout entier vous implore. Je vous en supplie, venez en aide au peuple de Bowisse ! »
Le destin lui tendait les bras. C’est sur sa fière dragodinde qu’elle emprunta la route vers ce nouveau monde…